L’église Saint Quentin de Wirwignes
inscrite à l’inventaire des monuments historiques par arrêté du 2 mai 2006
La base Mérimée qui fournit les données du patrimoine monumental et architectural français donne la description historique suivante de l’église:
La première église fut sans doute bâtie au début du 12e siècle. Jusqu’en 1876 en subsistait une construction appelée “basse église,” servant de nef. La base du clocher date peut-être de cette époque. Fin 15e début 16e siècle, un nouveau chœur fut édifié. Au cours du 17ème siècle, des modifications sont apportées au clocher. Restaurations de 1812 à 1863. En 1867, après un voyage en Terre Sainte, en Egypte et en Italie, l’abbé Lecoutre souhaite faire de l’église un catéchisme monumental permettant aux paroissiens d’appréhender la Bible à travers son mobilier et sa décoration intérieure. Le projet est exécuté à partir de 1869. Huit chapelles latérales sont créées le long de la “basse église” détruite en 1876. Le clocher fut surélevé d’un niveau; une flèche vint le couronner en 1879-1880 sur les dessins de l’ingénieur Emile Gérard. En 1882, pose de nouveaux vitraux*. Durant l’Entre-deux-guerres, la chapelle de la Vierge se transforma en grotte de Lourdes avec faux rochers réalisés en ciment armé. Cet édifice est un jalon essentiel de la genèse de l’Art naïf qui explosera au 20e siècle.
*réalisés par le peintre verrier Charles Lévêque.
POP [Plateforme Ouverte du Patrimoine] 2006
Un monument unique au monde
A la vue de son extérieur assez banal, qui n’a jamais entendu parler de l’église Saint-Quentin de Wirwignes pourrait s’étonner des cartes postales du début du 20ème siècle la présentant comme “un des plus beau monuments religieux du Pas-de-Calais” et de son inscription à l’inventaire des monuments historiques. Il faut pénétrer dans l’église pour en comprendre les raisons.
…le visiteur écarquille les yeux d’étonnement. Sous les projecteurs, les murs, les voûtes et les colonnes foisonnent de couleurs et d’ornementations: peintures, mosaïques en marbre, sculptures, inscriptions pieuses… Ce décor un peu surchargé mais témoignage naïf d’une foi enthousiaste est l’œuvre de l’abbé Paul Amédée Lecoutre.
La Voix du Nord (2005)
A l’évidence on ne peut parler de l’église de Wirwignes sans lui associer l’abbé Lecoutre dont elle est si complètement l’œuvre et où tout parle de sa foi profonde.
Rarement l’expression “son église” aura été aussi exacte, car cette église est véritablement son œuvre.
Eglises Ouvertes France 2019
C’est ce qu’explicite le panneau d’accueil réalisé par la communauté chrétienne de Wirwignes.
C’est l’abbé Paul-Amédé Lecoutre lui-même, curé de Wirwignes de 1863 à 1906, prêtre bâtisseur précurseur de l’art naïf, décédé à la tâche le 2 novembre 1906, qui vous invite à cette visite, il passa ses journées à modeler, transformer, sculpter, décorer cette église. Il vous souhaite joie et plaisir à vous imprégner de son œuvre qu’il a voulu édifier en véritable catéchisme monumental.
L’église Saint Quentin de Wirwignes vous accueille
Elle est le siège d’une église vivante, pas seulement un remarquable édifice à visiter. Elle est l’assemblée de tous ceux que Dieu a appelés et qui suivent fidèlement le Christ. Elle est la maison de Dieu, la maison du peuple de Dieu.
L’architecture et les décorations d’une église ne sont pas seulement fonctionnelles, elles sont chemin d’initiation et d’approfondissement de la foi chrétienne qui se résume en la révélation de Dieu comme famille trinitaire (Père, Fils et Esprit Saint) et en la reconnaissance de Jésus-Christ, comme Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité pour nous sauver. Là est le cœur de la foi chrétienne.
Ainsi, l’architecture et les décorations de l’église Saint-Quentin, tout au long de cette visite, vont vous faire comprendre et mieux saisir cette double affirmation, dans un climat de paix, de lumière et de beauté, propice à la communion et à l’amour.
C’est l’abbé Paul-Amédé LECOUTRE lui-même, curé de Wirwignes de 1863 à 1906, prêtre bâtisseur précurseur de l’art naïf, décédé à la tâche le 2 novembre 1906, qui vous invite à cette visite, il passa ses journées à modeler, transformer, sculpter, décorer cette église. Il vous souhaite joie et plaisir à vous imprégner de son œuvre qu’il a voulu édifier en véritable catéchisme monumental.
Dieu est présent dans toute la cohérence du bâtiment. Le silence s’impose de lui- même et, hormis les visites guidées, les discussions et échanges, largement conseillés, se font à voix basse.
Nous vous souhaitons un bon moment de paix intérieure, peut-être également de prières, dans cette église si particulière.
Panneau d’accueil réalisé par la communauté chrétienne de Wirwignes.
Mais quand on pénètre pour la première fois dans l’église, on ne verra sans doute pas ce panneau, tant on est saisi par le spectacle:
Colores vitae maiores factae sunt, et vita ipsa maior facta est, quia in ecclesiam eius est.
Les couleurs de la vie sont devenues plus grandes, et la vie elle-même est devenue plus grande, parce qu’elle est dans son église.
Adapté de Grau (2023) – Voir la conclusion dans le sous-menu Naïf?
Maître d’œuvre de la restauration et de l’agrandissement de l’église Saint-Quentin de Wirwignes, l’abbé Lecoutre en réalisa toute la décoration intérieure,
dont on a un aperçu dans les images ci-après.
Chaque scène réalisée par l’abbé Lecoutre nous raconte deux histoires, l’histoire qu’elle représente et sa propre histoire.
Par exemple la statue de marbre qui soutient la chaire nous montre l’épisode biblique de la faute de l’arbre de la connaissance mais nous donne aussi un aperçu sur l’artiste qui l’a réalisé:
quelle est sa vision de cette scène?
comment l’a t-il figurée?…
L’arc triomphal
L’arc triomphal est une arcade qui sépare la nef et le chœur d’une église. Celui de l’église de Wirwignes a probablement été construit autour des années 1600. L’abbé Lecoutre a tiré parti de l’emplacement privilégié de cet arc pour en faire un élément de décoration majeur en y ajoutant une série de statues disposées dans des niches. On peut ainsi voir de chaque côté 15 statues, 14 de saints entourant celle de Jésus-Christ. côté nef et celle d’un ange côté chœur.
Côté nef
- Saint François de Sales
- Saint Augustin
- Sainte Marie-Madeleine
- Sainte non identifiée
- Saint Thomas
- Saint Joseph
- Saint Jean Baptiste
- Jésus-Christ
- Saint Josse
- Saint Bernard
- Saint Stanislas
- Saint Bruno
- Sainte Ide
- Saint Jérôme
- Saint François d’Assise
On peut lire sur l’arc une phrase en latin, correspondant au verset 51 et au début du verset 52 du chapitre 6 de l’évangile de Jean:
ego sum panis vivus qui de caelo descendi si quis manducaverit ex hoc pane vivet in aeternum
je suis le pain vivant qui est descendu du ciel si quelqu’un mange de ce pain il vivra pour l’éternité
Côté chœur
- Sainte Cécile
- Saint François Xavier
- Sainte Barbe
- Saint Antoine
- Saint Roch
- Saint Ignace
- Saint Etienne
- Un ange
- Saint Valentin
- Saint Antoine
- Saint Charles
- Saint Grégoire
- Sainte Radegonde
- Saint Ignace de Loyola
- Sainte Agathe
On peut lire sur l’arc une phrase en latin, qui est la strophe XXI de la séquence liturgique le Lauda Sion composée en 1264 par saint Thomas d’Aquin:
ecce panis angelorum factus cibus viatorum, vere panis filiorum non [mittendis canibus]
voici le pain des anges devenu l’aliment de ceux qui sont en chemin, vrai pain des enfants [à ne pas jeter aux chiens]
La citation s’arrête à “non“. C’est peut-être en voulant terminer de peindre cette citation que l’abbé Lecoutre a fait une chute fatale le 2 novembre 1906.
C’est l’hypothèse émise par Jean-Marc Pierru.
Un catéchisme moderne et avant-gardiste
Pour formuler son message l’abbé Lecoutre a peint ou gravé un grand nombre de phrases, qui font de son église un “véritable poème de pierre.” Il y a la fois des inscriptions en latin et en français, et leurs sources sont très diverses. Les choix qu’il a faits révèlent les préceptes qui lui tenaient à cœur. Avec l’ensemble de tous les éléments du décor dont elles sont indissociables, ces inscriptions constituent le catéchisme illustré de l’Abbé Lecoutre. Il était à son époque d’une étonnante modernité. Avec le recul l’abbé Lecoutre apparaît avant-gardiste. Son catéchisme se révèle même provocateur, au moins sur les deux aspects suivants.
L’usage de la langue française pour des textes de la Bible
Confrontée à la montée de la Réforme protestante qui a favorisé la diffusion du texte biblique auprès d’un large public grâce aux traductions en langues vernaculaires, l’Église catholique a ressenti l’impérieuse nécessité de réaffirmer sa doctrine: la Parole de Dieu se transmet par l’Écriture appuyée sur la tradition. Elle réunit le concile à Trente (1545-1563), qui donne en 1546 un statut d’authenticité incontestable à la version latine de saint Jérôme, la Vulgate, déclarée fidèle aux textes originaux; mais, contestée par les humanistes de la Renaissance, elle est révisée et l’édition finale remaniée est publiée en 1592 sous les auspices du pape Clément VIII. Peu à peu, la notion d’authenticité se durcit au sein du mouvement de réforme catholique et cette version officielle se fige pour plus de trois siècles. Parallèlement, la méfiance reste entière à l’égard des versions en langues vulgaires suspectées d’ouvrir la voie aux doctrines hérétiques.
Bibliothèque Nationale de France – Présentation de la Biblia sacra Vulgatae editionis (Sixte V 1590)
Cette version de 1592 dite “Vulgate sixto-clémentine,” proche de la version publiée deux ans auparavant par le pape Sixte V (Sixte V 1590) a été la référence officielle de l’Église catholique jusqu’en 1979, avec la publication en un seul volume de la Nova Vulgata actuelle édition finale approuvée et déclarée “typique” par le pape Jean-Paul II (Nova Vulgata 1979).
A l’époque de l’abbé Lecoutre, la Vulgate sixto-clémentine est la source officielle du catéchisme et la référence aux versions “en langues vulgaires” éveille souvent la méfiance. Il est vrai que les nombreuses traductions en français prennent souvent plus ou moins de libertés avec le texte latin, en en déformant parfois le sens. De même que la Nova Vulgata, elle n’est pas elle-même exempte de critiques, avec notamment l’ajout de signes de ponctuations, lesquels n’existaient pas chez les Latins qui pratiquaient le scriptio continua (écriture continue), qui peuvent en altérer le sens.
C’est pourquoi c’est à une version en latin sans ponctuation, qui nous paraît plus proche des textes originaux, que nous ferons référence (Biblefr 2001), et nous en donnerons notre propre traduction, la plus littérale possible.
La référence à des textes apocryphes
L’abbé Lecoutre fait largement référence à des textes apocryphes (non reconnus officiellement par l’Eglise), notamment pour ce qui concerne Anne et Joacquim, les parents de Marie, et pour la vie de Joseph.
Exemples illustrant quelques aspects du catéchismee
L’Ancien Testament
Au-dessus des grandes arcades latérales, l’abbé Lecoutre a peint, dans des écussons de forme circulaire, des phrases en français de l’Ancien Testament qui sont maintenant devenues difficiles à lire, et même illisibles pour certaines. En voici trois exemples et leurs origines.
dans toutes tes actions souviens-toi de ta fin et tu ne pécheras jamais
in omnibus operibus tuis memorare novissima tua et in aeternum non peccabis (Livre de Sirac chapitre 7 verset 40)
bannis la colère de ton cœur et le mal de ta chair car l’adolescence et la volupté sont vanité
aufer iram a corde tuo et amove malitiam a carne tua adulescentia enim et voluptas vana sunt (Ecclesiaste chapitre 11 verset 10)
le frère qui est aidé par son frère est comme une ville forte
frater qui adiuvatur a fratre quasi civitas firma et iudicia quasi vectes urbium (Proverbes chapitre 18 verset 19)
Toutes les inscriptions lisibles
Parce que je vous ai appelés et que vous ne m’avez pas écouté, je rirai de vous à votre mort, et je vous insulterai lorsque la mort fondra sur vousLa grandeur du Seigneur est la clémence qui vient de la sagesse
Mon fils, écoutez les instructions de votre père et n’abandonnez pas la loi de votre mère. Allez, c’est un ornement à votre tête
Ne tarde pas à te convertir au Seigneur et ne diffère pas de jour en jour car la colère viendra soudain au jour de sa venue et te perdra
Dans toutes tes actions rappelle-toi ton dernier jour et tu ne pécheras pas
Bannis la colère de ton coeur et le mal de ta chair car l’adolescence est la volupté
As-tu péché? Ne pèche plus. Désormais prie pour tes fautes anciennes afin qu’elles te soient pardonnées. Fuis le péché comme le serpent
Où sera l’orgueil là sera aussi la confusion
Nul bien pour l’impie. Dieu abrégera ses jours, Ceux qui ne craignent pas la face du Seigneur passeront comme l’ombre
Le frère qui est aidé par son frère est comme une ville forte
Celui qui méprise son père et sa mère est infâme et malheureux
Celui qui a pitié du pauvre prête au Seigneur aussi et il fui rendra ce qu’il lui aura prêté
Celui qui aime son fils le corrige sans cesse pour qu’il se réjouisse dans sa vieillesse et n’aille pas mendier à la porte de ses voisins. S’il instruit son fils, il trouvera en lui la gloire
Les vents du Seigneur sont sur ceux qui le craignent
L’homme sensé croit la religion
Ayez pitié de nous Seigneur et regardez-nous et montrez-vous miséricordieux
La vie de l’homme est un songe sur la terre.
Sur le mur à la droite du sas de la porte latérale est gravé dans un écusson le texte suivant:
J’ai entendu les prières. La maison que tu m’as élevée je l’ai sanctifiée et adoptée pour le lieu de mon repos. Là mon nom sera glorifié. Là montera vers mon trône la fumée des sacrifices. Là seront mes yeux et mon cœur à jamais
Ce texte apparaît comme une adaptation libre du verset 3 du chapitre 9 du premier Livre des Rois dans l’Ancien Testament, qu’il semble avoir personnellement interprété, retirant des passages et en ajoutant d’autres (Les passages communs sont en caractères gras):
dixitque Dominus ad eum exaudivi orationem tuam et deprecationem tuam qua deprecatus es coram me sanctificavi domum hanc quam aedificasti ut ponerem nomen meum ibi in sempiternum et erunt oculi mei et cor meum ibi cunctis diebus
et le Seigneur lui dit j’ai entendu ta prière et la supplication que tu m’as adressée j’ai sanctifié cette maison que tu m’as bâtie pour y mettre mon nom pour l’éternité et dans ce lieu seront mes yeux et mon cœur pour toujours
Les dix commandements
Sur les arcs brisés des six grandes arcades latérales sont gravés dans le marbre les dix commandements de Dieu. Il existe un très grand nombre de versions des dix commandements, avec souvent des différences importantes. Celle choisie par l’abbé Lecoutre se trouve dans l’Alphabet français, divisé par syllabes, pour l’instruction des jeunes enfants paru en 1863 (Alphabet français 1863 pages 15-16). C’est très probablement la référence qu’il a utilisée. La forme rimée et le rythme de ces dix commandements aident à leur compréhension et à leur mémorisation, conformément à l’objectif de l’abbé Lecoutre.
1 Un seul Dieu tu adoreras
et aimeras parfaitement
2 Dieu en vain tu ne jureras
ni autre chose pareillement
3 Les dimanches tu garderas
en servant Dieu dévotement
4 Tes père et mère honoreras
afin que tu vives longuement
5 Homicide point ne seras
de fait ni volontairement
6 Luxurieux point ne seras
de corps ni de consentement
7 Le bien d’autrui tu ne prendras
ni retiendras sciemment
8 Faux témoignage ne diras
ni mentiras aucunement
9 L’œuvre de la chair ne désireras
ou en mariage seulement
10 Biens d’autrui tu ne convoiteras
pour les avoir injustement
L’abbé Lecoutre s’est là encore montré précurseur puisque sa version est très proche de celle de l’église catholique, maintenant officielle, qui est un peu différente mais avec la même forme rimée (Catéchisme de l’Église Catholique 2023).
Les dix commandements – Version officielle
La version officielle du Catéchisme de l’Église catholique (2023) est un peu différente mais a la même forme rimée.
Les dix commandements du Catéchisme de l’Église catholique comparés à ceux de l’Alphabet français, divisé par syllabes, pour l’instruction des jeunes enfants (1863)
- Un seul Dieu tu aimeras et adoreras parfaitement.
- Son saint nom tu respecteras, fuyant blasphème et faux serment.
- Le jour du Seigneur garderas, en servant Dieu dévotement.
- Tes père et mère honoreras, tes supérieurs pareillement.
- Meurtre et scandale éviteras, haine et colère également.
- La pureté observeras, en tes actes soigneusement.
- Le bien d’autrui tu ne prendras, ni retiendras injustement.
- La médisance banniras et le mensonge également.
- En pensées, désirs veilleras à rester pur entièrement.
- Bien d’autrui ne convoiteras pour l’avoir malhonnêtement.
Des prières en français
Au plafond de la chapelle Sainte Anne, l’abbé Lecoutre a peint des extraits des Litanies de Sainte Anne, une prière classique (quelques mots sont illisibles):
Ste Anne, aïeule de Jésus-Christ, Ste Anne, mère de Marie
Ste Anne, épouse de Joachin
Ste Anne, belle-mère de St Joseph
Ste Anne, arche de Noë
Ste Anne, arche de l’alliance du Seigneur
Ste Anne, mont d’Oreb
Ste Anne, racine de Jessé, arbre fécond
Ste Anne, joie des anges, fille des patriarches, gloire des Saints, nuée [claire? éclatante? lumineuse?]
Ste Anne, vase rempli, miroir des dévotions, Ste Anne rempart [de l’église]
Ste Anne, assistance des chrétiens
Ste Anne, délivrance des captifs
Ste Anne, consolation des personne mariées, Ste Anne mère des veuves
Ste Anne, protectrice des veuves
Chaque phrase est suivi de l’acronyme PPN, “Priez Pour Nous.”
On ne s’étonnera peut-être pas de voir ces prières en français, mais cela était très moderne pour l’époque puisque ce n’est que par le décret ubi et orbi du 30 septembre 1852 que le pape Pie IX a accordé comme une faveur le fait que les prières officielles en latin ou italien, pouvaient, sans préjudice pour les Indulgences, être récitées dans n’importe quelle langue (Pallard 1859 avis de l’éditeur). En conséquence des traductions en français ont commencé à se répandre, par exemple La Rançon des âmes du Purgatoire, recueil de prières traduites par l’abbé Louis Pallard paru en 1859, qui contient les Litanies de Saine Anne pages 532-533 (Pallard 1859). Au contraire L’Office de la Sainte Vierge paru en 1852 ne contient que les prières en latin (Office de la Sainte Vierge 1852).
Le texte de l’abbé Lecoutre ne paraît correspondre à aucune des traductions en français et on peut être à peu près certain qu’il a donné sa propre traduction du texte latin.
Les Litanies de Sainte Anne en latin (L’Office de la Sainte Vierge 1852 pages 394-396)
Chaque phrase est suivie de ora, plus rarement de ora pro nobis, et de intercède pro nobis pour la dernière.
Les extraits choisis par l’Abbé Lecoutre, avec sa traduction, sont en caractère gras.
Sancta Anna ávia Christi – Ste Anne, aïeule de Jésus-Christ
Sancta Anna mater Mariæ Vírginis – Ste Anne, mère de Marie
Sancta Anna sponsa Jóchim – Ste Anne, épouse de Joachin
Sancta Anna socrus Joseph – Ste Anne, belle-mère de St Joseph
Sancta Anna, arca Noë – Ste Anne, arche de Noë
Sancta Anna arca fœderis Dómini – Ste Anne, arche de l’alliance du Seigneur
Sancta Anna mons Oreb – Ste Anne, mont d’Oreb
Sancta Anna radix Jesse – Ste Anne, racine de Jessé
Sancta Anna arbor bona – arbre fécond
Sancta Anna vitis fructífera
Sancta Anna régáli ex progénie orta
Sancta Anna lætítia Angelórum – Ste Anne, joie des anges
Sancta Anna proles Patriarchárum – fille des patriarches
Sancta Anna oráculum Prophetárum
Sancta Anna glória sanctórum et sanctárum – gloire des Saints
Sancta Anna glória sacerdótum et levitárum
Sancta Anna nubes rórida
Sancta Anna nubes cándida
Sancta Anna nubes clara – nuée [claire? éclatante? lumineuse?]
Sancta Anna, vas plenum grátiæ – Ste Anne, vase rempli
Sancta Anna spéculum obediéntiæ – miroir des dévotions
Sancta Anna spéculum patiéntiæ
Sancta Anna spéculum misericórdiæ
Sancta Anna spéculum devotiónis
Sancta Anna propugnáculum Ecclésiæ – Ste Anne rempart [de l’église]
Sancta Anna refúgium peccatórum
Sancta Anna auxílium Christianórum – Ste Anne, assistance des chrétiens
Sancta Anna liberátio captivórum – Ste Anne, délivrance des captifs
Sancta Anna solátium coniugatórum – Ste Anne, consolation des personne mariées
Sancta Anna mater viduárum – Ste Anne mère des veuves Ste Anne, protectrice des veuves
Sancta Anna matrona Vírginum
Sancta Anna portus salútis navigántium
Sancta Anna via peregrinórum
Sancta Anna medicína infirmórum
Sancta Anna sánitas languéntium
Sancta Anna lumen cæcórum
Sancta Anna lingua mutórum
Sancta Anna auris surdórum
Sancta Anna consolátrix afflictórum
Sancta Anna auxiliátrix ómnium ad te clamántium
D’autres histoires
L’histoire de l’église de Wirwignes ne s’arrête pas à l’abbé Lecoutre. On peut notamment mentionner les éléments suivants.
De la chapelle de la Vierge à la grotte de Lourdes
La Chapelle de la Vierge Marie est la première construite lors de la transformation de l’église par l’abbé Lecoutre en 1869. A l’origine ses murs étaient couverts de marbre et le plafond à deux pans était richement peint. Les vitraux sont très visibles. Elle forme avec la chapelle dédiée à saint Quentin le transept de l’église compris entre l’arc triomphant et le chœur. Elle comporte deux travées, à l’identique de sa parallèle, la chapelle dédiée à Saint Quentin.
En 1927 cette chapelle est transformée en une grotte de Lourdes, à l’initiative du curé de l’époque, l’abbé Pierre-Marie Bayeux, pour évoquer l’histoire de la guérison miraculeuse d’une jeune Wirwignoise, Lucie Caron, lors d’un pèlerinage à Lourdes en 1923. Elle est officiellement bénie le 5 février 1928.
Cette grotte, avec ses faux rochers en ciment armé, altère le bel équilibre réalisé par l’abbé Lecoutre, mais, après tout, cela fait partie de l’histoire de l’église.
Le récit de la guérison miraculeuse de Lucie Caron et la grotte de Lourdes
L’abbé Pierre-Marie Bayeux fait paraître dans la presse le récit suivant:
A Wirwignes, une guérison miraculeuse. Lucie Caron, âgée de 19 ans était atteinte depuis huit mois, par suite d’un saisissement, de névrite aiguë à la jambe droite. Le pied droit était complètement tordu a l’intérieur, de sorte que la personne se tenant debout, les doigts de ce pied étaient près du talon gauche. La jambe s’immobilisait de plus en plus; et pour marcher, la jeune fille était obligée de se servir d’une béquille. Plusieurs médecins avaient été consultés sans succès. Restait Notre Dame de Lourdes, le secours des malades, la mère des affligés! Une quête fut faite chez les principaux fermiers du village, et Lucie Caron put être admise comme malade au pèlerinage diocésain.
Pendant le pèlerinage, les Wirwignois se mirent en prière. Le matin, à la messe, nombreuses communions; l’après-midi, au salut, fervente récitation de chapelet. Quant aux cultivateurs retenus aux champs, ils offrirent a la Sainte Vierge leurs travaux et leur fatigue pour la guérison de Lucie Caron. Et à Lourdes, que se passait-il? Durant les trois premiers jours du pèlerinage, aucune amélioration ne fut constatée. Mais voici qu’au quatrième et dernier jour, au moment ou les infirmières vont la plonger dans la piscine, Lucie Caron semble apercevoir « une grande Dame revêtue d’une robe blanche et ceinturée de bleu ». Cette Dame la bénit
en traçant un signe de croix, comme font les prêtres à la fin de fa messe. La malade est plongée dons l’eau. Aussitôt, elle ressent dans le genou une très vive douleur, et son pied reprend sa position naturelle. Elle pense qu’elle est guérie, mais ne dit rien. C’est seulement en rentrant à l’hôpital qu’elle déclare la chose à une religieuse Une enquête est faite ; deux docteurs examinent la jeune fille et la déclarent guérie. si dans trois mois rien d’anormal ne s’est produit, ils enverront le certificat de guérison miraculeuse. Gloire à Marie! Amour, reconnaissance, action de grâce a la Vierge de Lourdes!
Le christ en croix
Le christ en croix, en bois polychrome,
mis en valeur au dessus du confessionnal de l’abbé Lecoutre,
a été béni le 30 mars 1958, jour des rameaux.
Un article de de Guy Bataille dans La voix du Nord
a relaté l’évènement (Bataille 1958).
L’histoire du Christ en croix
Depuis quelques dimanches les paroissiens de Wirwignes n’ont pas été sans admirer le très beau Christ remis à sa place d’honneur dans leur église par les soins de M. l’abbé Duhautoy, qui procéda à sa bénédiction. Restauré par M. Louis Lefebvre, ce Christ a une histoire, assez mal connue d’ailleurs. Quelle part doit-on faire à la légende?
Une chose est certaine d’abord. Il date de 1620. M. le chanoine Bayeux doyen de Bomy et ancien curé de Wirwignes, nous en a donné l’assurance. Il y a une trentaine d’années, ce Christ fut trouvé dans la cave de la sacristie de Wirwignes sous un tas de morceaux de marbre. Par qui y fut-il abandonné? Mystère!
[…]
La tradition rapporte qu’à la Révolution, ce Christ fut profané et sauvé par les mains pieuses qui, ensuite, le confièrent au clergé de Wirwignes. Ce qui est d’ailleurs fort vraisemblable. Datant du début du XVIIe siècle ce Christ, œuvre sans doute d’un sculpteur boulonnais inconnu, est d’une grande beauté. Le visage, aux traits typiques des habitants de la région, s’apparente à celui que sculptaient les bergers if y a trois ou quatre siècles. Dans certaines fermes du Boulonnais on trouve encore, donnés au Christ, de ces visages de paysans qu’un naïf sculpteur a taillés dans le bois avec un art prodigieux. Qui dira l’histoire exacte, assez tourmentée, n’en doutons pas, du Christ de Wirwignes.
Bataille (1958)
Un autre christ en croix
Dans le compte-rendu du 47ème Congrès Archéologique de France qui s’est tenu en 1880
on peut lire que l’abbé Lecoutre a également effectué des recherches, qui n’ont malheureusement pas abouti,
pour retrouver une ancienne verrière de l’église représentant aussi le Christ en croix
(Congrès Archéologique de France 1881 page 363).
Cette église possédait jadis dans sa fenêtre absidale un beau débris d’ancien vitrail, qui a disparu à l’époque d’une restauration antérieure. C’était une crucifixion, où N.-S. était représenté, accompagné de la Vierge à droite et de S. Jean à gauche. J’ai noté, quand je l’ai vu, que la première avait une robe rouge, un manteau bleu et un voile blanc, le second une robe jaune, un manteau rouge et un livre. Les trois personnages avaient derrière la tête un nimbe rayonnant. Dans le fonds du paysage, apparaissait la ville de Jérusalem. On ne saurait trop regretter la perte de ce rare et curieux morceau d’un art qui a laissé peu de vestiges dans le Boulonnais (Rodière 1882 page 45).
Le tabernacle
Le tabernacle en chêne vernis,
inscrit monument historique à titre d’objet daté du 4ème quart du 17ème siècle,
couronne le maître-autel remanié par l’abbé Lecoutre.
Voir Le tabernacle de Wirwignes par Wimet (1979-80)
Notre Dame de la Reconnaissance
Même si la statue de Notre-Dame de la Reconnaissance se trouve en dehors de l’église, elle poursuit l’histoire de l’abbé Lecoutre avec le culte de Notre-Dame de Boulogne qu’il a perpétué à Wirwignes et qui est toujours célébré. Cette statue bénie le 6 juillet 1947 se trouve au carrefour des rues de Crémarest, du Pot-au-Feu et du Valinglin. Son histoire a été relatée dans un article de Nord Littoral (J-F.L. 2014).
L’histoire de la statue de Notre Dame de la Reconnaissance
À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, le 6 août 1939, l’abbé Léopold Duhautoy est nommé à Wirwignes. Grand patriote, le nouveau curé n’est pas sans partager les craintes de ses nouveaux paroissiens face aux bruits de guerre qui viennent de l’Est.
Ses craintes sont justifiées puisque, moins d’un moins après son arrivée, il assiste à la mobilisation d’une soixantaine de ses fidèles.
Afin de protéger ses fidèles des combats de la guerre et des violents bombardements, l’abbé Léopold Duhautoy s’est adressé à la Vierge Marie. Il a rédigé un message qui fut placé dans une enveloppe entourée d’un ruban tricolore et déposé aux pieds de la Vierge de la grotte de Notre Dame de Lourdes dans l’église du village. Sur ce message, on pouvait lire: si vous daignez nous exaucer nous vous promettons de vous témoigner notre reconnaissance après la guerre, d’aller en plus grand nombre possible, à pied, en pèlerinage à votre sanctuaire de Notre Dame de Boulogne et d’élever à un endroit de la commune, une magnifique statue en votre honneur”, rapporte Jean-Marc Pierru, un habitant féru d’histoire.
270 habitants se rendent à Boulogne à pied
À la fin de la guerre, tous les soldats sont revenus et le village sortait indemne du conflit. La paroisse s’est alors acquittée de la promesse faite à la Vierge Marie. C’est le serment du pèlerinage qui fut tenu en premier. Le 17 août 1945, 270 habitants se sont rendus à pied à Boulogne. Deux ans après, le 6 juillet 1947, un impressionnant cortège a procédé à la bénédiction de la statue “Notre-Dame de la Reconnaissance.”
Aujourd’hui encore, les paroissiens continuent de se tourner vers la protectrice de leur village. Chaque année, après une cérémonie en l’église Saint-Quentin, ils se rendent au pied de la statue pour lui adresser quelques prières. “Il est bon que dans notre village perpétue cette tradition de génération en génération même si les participants sont moins nombreux,” confie Jean-Marc Pierru.
J-F.L. (2014)