L’histoire de l’abbé Lecoutre

Naissance et jeunesse à Wierre-Effroy

Paul Amédé* Lecoutre naît le 29 juin 1830 à Wierre-Effroy, à une douzaine de kilomètres au Nord de Wirwignes. Son père, Jean Claude Marie Lecoutre (1791-1873), marié avec Louise Marie Sophie Hécart (1796-1862) est cultivateur. Paul est le septième de leur neuf enfants.

Acte de naissance

AD 62 5 MIR 889/3 Wirwignes page 533

C’est en 1855 qu’il Il est ordonné prêtre. En 1857 il est prêtre à Calais, comme nous l’apprend le contrat de mariage de son frère Hubert Joseph avec Virginie Désirée Émilie Telliez, le 11 février 1857 à Wierre-Effroy, pour lequel il est témoin. C’est en 1863, après un court passage à Agny près d’Arras, qu’il devient curé de Wirwignes où il succède à l’abbé Constant Cousin (1825-1896) parti pour Audinghen; il le restera jusqu’à sa mort en 1906.
Les recensements de Wirwignes, de 1866 à 1896, nous apprennent qu’il y a vécu avec sa sœur Geneviève Marceline, son ainée de neuf ans, décédée en 1898. Ont également vécus avec eux différents neveux, nièces, petits-neveux et petites-nièces.

*Amédé dérivé du latin ama et deus signifie « aimé de Dieu »

Le projet de restauration de l’église et sa réalisation

C’est en 1867, après un voyage en Terre Sainte, en Egypte et en Italie, que L’abbé Lecoutre conçoit le projet de restauration de l’église.

L’abbé Lecoutre souhaite faire de l’église un catéchisme monumental permettant aux paroissiens d’appréhender la Bible à travers son mobilier et sa décoration intérieure. Le projet est exécuté à partir de 1869.

Une situation propice au projet

A Wirwignes, avant l’arrivée de l’abbé Lecoutre, le conseil de fabrique, qui administrait la paroisse, avait décidé l’agrandissement de l’église. Selon la description faite par l’abbé Cousin en 1861, celle-ci, en dehors du chœur du 16ème siècle, ne présentait guère d’intérêt, et elle était en outre trop petite pour la population du village (Cousin 1861).

L’église Saint Quentin en 1861 (description par l’abbé Constant Cousin, curé de Wirwignes)

L’église, telle qu’elle se trouve aujourd’hui, se compose d’une seule nef et comprend deux parties distinctes: le chœur en style ogival, 16e siècle, assez élevé, et d’après l’appréciation de Monsieur de Villiers, vicaire général, qui visita cette église en 1856, est très remarquable. Toutefois la voûte actuelle n’est qu’une imitation de voûte en plafond. La partie basse n’a aucun mérite, restaurée d’une manière inintelligente et pitoyable il y a quelques années, elle est d’un mauvais effet surtout les fenêtres petites et mal construites. Elle est terminée par une tour carrée très ancienne, non achevée, trop basse, la basse église. Elle et surmontée d’une campanille insignifiante, ce qui donne à l’église un aspect peu gracieux et même désagréable. Le mobilier intérieur se compose d’un maître autel très ancien en chêne sculpté et très remarquable, d’une balustrade aussi en chêne sculpté et très estimée des connaisseurs, d’une chaire convenable et assez belle, d’un confessionnal en bon état, de deux petits autels latéraux entre la basse église et le chœur qui n’ont rien de distingué. Récemment ont été placées dans le haut du chœur huit stalles en chêne sculptées d’un très bel effet. Dans la fenêtre du fond de l’église il y a un vitrail très ancien. Derrière l’église il y a une sacristie.

Une autre description, datée de 1877, est due à l’ingénieur Emile Gérard dans une étude technique en vue de la reconstruction du clocher (voir ci-après). Intitulée « Mémoire descriptif et explicatif sur l’âge, le caractère, le style, et l’état de conservation de l’église de Wirwignes, » elle montre la nécessité de travaux de restauration importants. Si le ton est moins critique que dans celle de l’abbé Cousin, cette étude met en avant le très mauvais état de la tour servant de clocher dont le deuxième étage « annonce une ruine prochaine qui pourrait causer de grands malheurs. » (Gérard 1877)

Ce projet d’agrandissement était évidemment une dépense considérable, nécessitant des concours extérieurs avec l’aval du conseil municipal, ainsi que de très nombreuses démarches administratives. L’évêque avait un rôle consultatif important, mais la décision finale devait être prise par l’administration supérieure. Il fallait aussi obtenir et gérer les fonds nécessaires par des moyens complémentaires, quêtes, dons, legs, etc.

Toutes ces démarches dans lesquelles l’abbé Lecoutre va s’impliquer sont lourdes. Mais il se trouve, avec l’appui de la fabrique, dans une situation réellement propice à son projet. Il devient donc le maître d’œuvre et le principal artisan d’un travail de restauration considérable, pratiquement une reconstruction, dans lequel il est tour à tour architecte, peintre, sculpteur, mosaïste, etc.
Il va y consacrer le reste de sa vie réalisant lui-même pratiquement toute la construction du mobilier intérieur et la décoration, ce qui va évidemment considérablement minorer le coût de la réalisation. Il a su s’assurer les concours du réputé ingénieur Emile Gérard (1839-1899), natif de Boulogne-sur-Mer, pour la réalisation des plans du clocher, et du non moins réputé Charles Lévêque (1821-1889), peintre-verrier à Beauvais, pour celle des vitraux. Tous deux sont chevaliers de la légion d’honneur.

De l’église que trouva l’abbé Lecoutre à son arrivée ne subsisteront que le chœur et une partie du clocher, qui étaient reliés par une nef étroite et plus basse que le chœur qu’il fallut élargir et surélever. En 1876 la « basse église » est détruite et huit chapelles latérales sont créées.

1879-1880
Un niveau et une flèche
le couronnant sont ajoutés
au clocher, à partir de dessins
d’Emile Gérard.

Plan Emile Gérard

En 1882 de nouveaux vitraux, réalisés par Charles Lévêque sont posés.

En 1887, le 25 août, l’église est consacrée par l’évêque d’Arras, Désiré Joseph Dennel (1822-1891). Rodière (1910 page 550) décrit l’inscription commémorative en marbre blanc de cette consécration:

Le gros œuvre est terminé à cette date, Mais l’abbé Lecoutre va continuer d’aménager et de décorer son église. Des murs à la voûte, il n’y a guère de surfaces qui ont échappé à ses outils — pinceaux, burins, ciseaux à bois… Il a recouvert les murs et les piliers de mosaïques de marbre qu’il a lui-même taillées et a inscrit un nombre impressionnant de citations religieuses. Le résultat est une décoration d’une extraordinaire abondance, qui révèle à qui sait observer un luxe de détails inouï.

Autres réalisations de l’abbé Lecoutre

L’abbé Lecoutre a construit un local pour le groupe de la jeunesse catholique de Wirwignes:

Ses mains ont construit l’humble local qui abrite nos séances.

Auguste Ferton, Funérailles 1906

L’abbé Lecoutre
fonda une école libre à Wirwignes
en 1895

Décès de l’abbé Lecoutre 2 novembre 1906

Il a donné tout son amour à son église. Le vendredi 2 novembre 1906, alors qu’il achève de peindre la voûte céleste, il tombe de l’échafaudage et se tue, à l’âge de 76 ans. Pouvait-on imaginer une autre fin? Il repose maintenant au pied de son église.

*Dans son acte de décès il est dit qu’il est décédé « en son domicile »

La tombe du curé, juste à l’extérieur de l’église, du côté nord, porte cette inscription: « A la mémoire de M. l’Abbé Paul Lecoutre, curé de Wirwignes pendant 43 ans, 1863-1906, pieusement décédé dans sa paroisse le 12 Novembre 1906, dans sa 77e année; » mais l’église est son véritable monument, car elle conservera longtemps sa mémoire (Craufurd, Manton & Manton 1914 page 76).

La sobriété de la tombe de l’abbé Lecoutre et de son épitaphe, voulue par ses proches, correspond bien à ses vertus de dévouement et d’humilité.

Elle nous invite à rendre hommage à cet homme hors du commun, et à méditer sur ses qualités humaines, en particulier « son zèle intelligent et son sens artistique peu commun, et sa ténacité admirable, » qu’a soulignées le doyen de Desvres au cours de ses funérailles.

La tombe de l’abbé lecoutre

Si le récit de cet accident par la tradition orale paraît vraisemblable, c’est « en son domicile » (où il aurait donc été transporté) qu’il est dit décédé dans son acte de décès. Un acte en latin rédigé par Charles Amable Fourdinier (1826-1912), curé de Crémarest, indique qu’il a reçu les derniers sacrements.

LES FUNERAILLES DE M. L’ABBE LECOUTRE – Article de presse du 6 novembre 1906
Actes de décès

AD 62 3 E 896/16 Wirwignes page 108

Certificat de décès de l’abbé Lecoutre en latin (Arras: Archives diocésaines)

L’année 1906 a sans doute été difficile pour lui, puisqu’il dut se plier à la loi relative à la séparation des Églises et de l’État promulguée le 9 décembre 1905 et entrée en vigueur le 1er janvier 1906. Le 1er mars 1906 est dressé un inventaire de l’église de Wirwignes et de tous les biens afférents par l’agent des domaines. Ceci provoque une vive réaction de l’abbé Lecoutre. Au nom des membres du conseil de fabrique, il rédige une lettre de protestation qui est annexée à l’inventaire. Il argumente que

Restaurée, rebâtie en grande partie, meublée et ornée par les seules ressources et le travail du curé elle est incontestablement la propriété de la cure et de la communauté catholique.

La publication au Journal officiel de la République française le 21 juin de cette même année de sa pension avec jouissance au 1er janvier fut sans doute aussi pour lui une épreuve pénible.

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Abbé Lecoutre